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Samuel Bianchini and Didier Bouchon

Hors Cadre

Samuel Bianchini and Didier Bouchon Hors Cadre

source: variationparis
Qui n’a jamais contemplé des gouttes d’eau cherchant leur chemin sur une vitre ? Le projet Pleureuses met en œuvre ce phénomène mais en contrôlant le parcours des gouttes tout comme leur production. Une vitre laisse s’écouler des gouttes d’eau. Mais celles-ci ne semblent pas se diriger hasardeusement vers le sol, elles prennent des chemins de traverse, épousant des tracés invisibles, accélérant, décélérant pour former des esquisses de visages dont l’expression est, de fait, conditionnée par cette matérialité. La vitre, subtilement éclairée, est positionnée dans un espace favorisant des regards de part et d’autre de celle-ci : elle laisse ainsi entrevoir des visages, un visage de pleureuse à sa surface et aussi d’autres à travers elle, ceux des spectateurs, pour les habiller furtivement d’une expression qui les dépasse. Résolument prospectif dans les technologies qu’il met en œuvre, le projet Pleureuses dialogue en même temps avec l’histoire de l’art. Il adopte en effet un sujet maintes fois traité, de l’Antiquité – comme dans la Tombe de Ramose dans l’ancienne Égypte – jusqu’à l’époque moderne, par exemple chez Picasso, avec la série des femmes qui pleurent (1936-1937) ou même, plus récemment, dans cette installation magistrale de Bill Viola, He weeps for you (1976). Un tel sujet associe depuis toujours sentiment profond et simulacre, affect et représentation. Poursuivant cette tension, le sensible rencontre ici la technologie la plus évoluée pour nous prêter des sentiments, en creux ou en transparence.

Un cadre est accroché à un mur. Il est vide et sobre aucun contenu, aucun fond, en bois brut, sans moulure ou autre ornement. Mais, par intermittence, il bouge, subtilement, se tord sur lui-même. Ponctuellement, ses mouvements se font plus brusques, violents même, comme s’il subissait des décharges motrices, involontaires, telles celles à l’œuvre dans les crises d’hystérie. Le cadre est comme un corps, révélant des pulsions qui le dépassent, qu’il n’est pas en mesure de contenir, de cadrer, mais qu’il révèle par ses seuls mouvements et non par une quelconque représentation qu’il pourrait contenir.

Les artistes

Samuel Bianchini (1971) est artiste et enseignant-chercheur. Il vit et travaille à Paris. Ses œuvres sont régulièrement exposées en France et à l’étranger : Kunsthaus PasquArt (Bienne), Art Basel, Institut français de Tokyo, Centre Georges Pompidou (Paris), Deutsches Hygiene-Museum (Dresde), Musée national d’art contemporain d’Athènes, Jeu de Paume (Paris), etc. Ses réalisations mettent en œuvre des opérations physiques autant que symboliques, en contexte, en public et en temps réel, nous incitant à contempler, à réfléchir autant qu’à agir. Soutenant le principe d’une “esthétique opérationnelle”, Samuel Bianchini interroge les rapports entre nos dispositifs technologiques les plus prospectifs, nos modes de représentation, nos nouvelles formes d’expériences esthétiques et nos organisations socio-politiques. Pour cela, il collabore avec des scientifiques et des laboratoires de recherche en ingénierie. En relation étroite avec sa pratique artistique, Samuel Bianchini a entrepris un travail théorique qui donne lieu à de fréquentes publications : Éditions du Centre Pompidou, Éditions Jean-Michel Place, MIT Press, Analogues, Burozoïque, Hermes, Les presses du réel, Springer, etc. Né en 1971 à Nancy, il a étudié l’art à travers différentes approches : Beaux-arts (Post diplôme, École régionale des Beaux-arts de Nantes), Arts Décoratifs (EnsAD, École nationale supérieure des Arts Décoratifs, Paris), Art & Design (Central Saint Martins College of Art and Design, Londres), Arts appliqués (Ensaama, École nationale supérieure des arts appliqués et des métiers d’art, Paris), Arts et métiers (Cnam, Paris) et Arts plastiques (Université Paris 1 – Panthéon-Sorbonne). Après avoir soutenu sa thèse de doctorat au Palais de Tokyo avec une exposition personnelle, il est aujourd’hui enseignant-chercheur (Maître de conférences en Arts et Sciences de l’art) à l’École nationale supérieure des Arts Décoratifs (Paris) où il dirige le groupe de recherche Reflective Interaction (DiiP/EnsadLab) sur les dispositifs interactifs et performatifs. Il va soutenir prochainement une Habilitation à diriger des recherches (HDR) au croisement de problématiques artistiques, technologiques et politiques, intitulée Dispositifs artistiques, dispositifs politiques.

Après des études de biologie et un diplôme d’arts appliqués à l’école Boulle, Didier Bouchon se tourne, de façon autodidacte, vers la programmation et le graphisme. Il développe un intérêt immédiat pour les problématiques liées à la Vie Artificielle et à l’Intelligence Artificielle. Dès lors, il devient l’un des pionniers des jeux vidéo et des systèmes 3D. Développeur pour Cryo, Infogrammes, Virgin Games, et Mindscape, on lui doit notamment, en collaboration avec Philippe Ulrich, L’arche du capitaine Blood (1988, Ère Informatique). En 1996, il cofonde sa propre société de conception de jeux vidéo, Comptoir des planètes, où il conçoit l’architecture d’Avatarstudio, un logiciel de création d’avatars en 3D qui servira pour la communauté virtuelle du 2ème Monde, précurseur de Second Life, développé par Canal Numedia qu’il rejoint en 2000, en tant que directeur technique des développements 3D. Dès 2002, il donne à ses recherches une dimension plus artistique, que ce soit à titre personnel ou dans le cadre de l’association Music2eyes. Entre 2003 et 2015, Didier Bouchon a été directeur technique du pôle création au Cube, Centre de création numérique. À ce titre, il a réalisé ou supervisé les développements des œuvres qui y ont été produites. Ainsi, que ce soit au Cube ou avec Music2eyes, il a collaboré avec des artistes tels que Miguel Chevalier, Bernard Michel, Bertrand Planes, Bertrand Lamarche, Anne Sarah Le Meur, Moebius, et des institutions comme le ZKM de Karlsruhe. Actuellement, il intervient dans le cadre du programme de recherche Refective Interaction / DiiP de l’EnsadLab, laboratoire de l’École nationale supérieure des Arts Décoratifs (EnsAD). Il co-signe l’œuvre Hors Cadre, avec Samuel Bianchini.
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source: mediaartdesignnet
clearEvery year, an art school is invited by the Linz Kunstuniversität to present the work of its teachers and students, along with other artists. This year the University of Paris 8 accepted the invitation, whose historical attachment to the relationship between art and technology is well known. There we discover notably the installation “Hors Cadre” (Out of the Frame) by Samuel Bianchini and Didier Bouchon. There are artists who, like Orlan in the 1960s, tried to climb “out of the frame”, while the work shown here functions like that. But “Hors Cadre” appears to us as incomplete because it lacks the essential: the viewer. The very one which, according to Marcel Duchamp, makes the work what it is. By approaching it to contemplate the “emptiness”, as it oversees nothing but a piece of the wall space of the exhibition, we activate it. From a distance, we become the model that the artist however, no longer expected. Temporarily, we supplement the installation that others also activate as we create a work by performing it.