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MEHRYL LEVISSE

source: coullaudkoulinsky

Born in 1985 in France. Lives and works in Paris.
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source: gupmagazine

Who said that the body was a finished thing?” French photographer Mehryl Levisse works with the body as a basic material that is highly flexible and adaptable to her ideas and practice. In her approach, the body becomes one with the set and creates surreal dreamscapes, taking on different roles and playing with symbolisms. In Levisse’s images, the body is an in-between, neither masculine nor feminine, neither sexual nor asexual and, on the contrary, both. In the ‘private’, closed spaces, the invented identities are condemned to replay the same situation eternally. The environments are constituted of wallpaper and vintage furniture and, without door, without windows, create a space stripped off defined temporality that gives away a deliberately vague atmosphere.
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source: boumbang

Recréer intégralement l’environnement de pièces qui n’existent pas sinon dans les codes de l’inconscient collectif, les subvertir, y intégrer un corps humain souvent malmené, photographier l’ensemble. Voilà la seule description factuelle que l’on pourrait faire du geste artistique de Mehryl Levisse.

Jeune artiste originaire de Charleville-Mézières, Mehryl Levisse vient de la danse et pas de la rue, de l’Université et pas des Beaux Arts. Si ces détails biographiques sont importants c’est parce qu’ils permettent de comprendre les deux données principales du propos tenu dans les clichés qui restent après le travail: la place du corps dans l’espace intime et la question de l’expression artistique dans un monde saturé d’informations.

La poésie cocasse qui se dégage des scènes imaginées par l’artiste n’est pas sans rappeler l’humour des surréalistes, dont on sait que la démarche est dictée par une donnée cruciale: introduire du rêve, de l’imaginaire, du merveilleux dans la banalité du réel. Qu’il revisite des scènes mythologiques comme celle du Cheval de Troie ou qu’il nous invite à questionner notre rapport au lieu hautement hétérotopique¹ qu’est le grenier, Mehryl superpose l’ambiance des jeux d’enfants à quelque chose de bien plus perturbant.

Sur son site internet, Mehryl Levisse commence la présentation de son travail par la question suivante: « Qui a dit que le corps était une chose aboutie? » Tatoué, affublé de quelques piercings qu’on ne voit pourtant jamais dans ses travaux, le créateur semble suivre les traces d’artistes qui, non contents de tirer des clichés de leurs explorations du corps, viennent nier l’idée selon laquelle une notion comme celle du genre serait inscrite dans la chair (on pense ici à Claude Cahun, surréaliste en marge, féministe avant l’heure, artiste joueuse et visionnaire). C’est pourquoi il serait réducteur de qualifier son geste de photographique. La photographie n’est que le reflet de ce qui s’est joué en amont. Un amont que l’artiste refuse volontairement de retoucher bien que les techniques contemporaines débordent de solutions pour « saisir » le réel de la façon la plus nette et la plus propre possible. Un amont dont la nature insaisissable est l’essence. Ses « environnements » n’ont pas d’échappatoire. Il n’y a pas de portes ni de fenêtres, pas de temporalité déterminée. On pourrait presque se demander comment ces lieux, qui nous paraissaient si familiers de prime abord, ont réussi à se faire passer pour des reflets du réel. Et s’il fallait chercher une parenté dans la littérature, il faudrait aller du côté de Beckett dont Le Dépeupleur avec son cylindre sans fenêtres ni issues où se meuvent deux cents “ corps ”, hommes, femmes et enfants parle le mieux du mirage de l’espace.

Mais le travail de Mehryl Levisse est avant tout un travail sur le corps, un travail tout entier centré autour du corps et de son expression. C’est pourquoi la phrase suivante semble être une conclusion appropriée: « Le corps est comparable à une phrase qui vous inciterait à la désarticuler pour que se recomposent, à travers une série d’anagrammes sans fin, ses contenus véritables. » (Hans Bellmer, L’Anatomie de l’image, Ed. Allia, 2002.)

¹ L’hétérotopie est un concept formulé par Michel Foucault en 1967 dans sa conférence Des espaces autres. Il s’agit d’espaces concrets qui hébergent l’imaginaire, comme une cabane d’enfant, un grenier, un aéroport ou encore un théâtre.
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source: coullaudkoulinsky

Quels liens se tissent entre les images véhiculées par les installations de Mehryl Levisse, les photographies, les évocations somptuaires et les « collages » d’objets, satellites de corps contraints,cherchant désespérément un abri, ou échappés, et ce « Dernier Jeu » qu’il nous propose aujourd’hui, détournant avec violence et goût de la précision les règles du lego pour un cuisant égarement vers l’enfance ? Un peu hâtivement sans doute, on parlera de la mort, on appellera un témoin pour évoquer un crime, on discutera du sommeil comme un acte qui répond du poids d’un corps, on oubliera qu’il s’agissait d’un jeu, le « dernier » certes, mais de la journée peut-être, extraordinairement ensoleillée, sans ombre justement. Mehryl Levisse ne quitte jamais le culte des objets qui transitent, des objets « trans » et ces deux petits cercueils dressés, l’un blanc, l’autre injure colorée, pourraient tout aussi bien n’être qu’un tas d’éléments géométriques dans un paquet ludique. On les imagine là, posés, défiant les lois de l’offre et de la demande, la mort est un jeu, enfin sa représentation tient du prodige, de la patience, d’un tour. L’accomplissement d’une vie dans une torture malicieuse, une ébullition mentale martelée intelligiblement pour une préparation secrète. Une menace persiste sous les traits d’une douce invitation. Alerte exquise ? Ou rude avertissement ? L’enfance d’autrefois piégée dans la construction d’un objet qui fuirait l’image, ou la bouleverserait plus crûment, sans appel.

Pierre Giquel