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Erwan Venn

Headless

Erwan Venn   Headless

source:crennjulie

erwan venn / your silent face

A thought that never changes

Remains a stupid lie

It’s always been just the same

No hearing, nor breathing

No movement, no calling

Just silence.

New Order – Your Silent Face [Power, Corruption & Lies – 1983).

En fouillant dans les souvenirs de son enfance, Erwan Venn retrouve des jouets, des disques, des motifs de papiers-peints et un autoportrait griffonné sur une feuille de cahier, où il s’exprime via une bulle de bande dessinée : « Je suis con et je m’appelle Erwan ». L’ensemble de sa pratique artistique repose sur une exploration mémorielle et sensible. Pour cela il questionne son éducation, ses fondations, ses références, tous les ingrédients d’une construction personnelle, intime. Avant de se présenter comme un artiste, il se dit dyslexique et asthmatique. Deux handicaps qui l’ont obligé à grandir dans une marge. Une périphérie familiale et sociale qu’il alimente progressivement de références alternatives : le (post)punk, la new wave, le rock, la techno et l’art. Au mainstream, il choisi les voies sinueuses de l’underground grâce auxquelles il s’affranchit d’un carcan familial où religion, traditions et secrets font loi. Rapidement, il s’inscrit dans un héritage artistique contestataire où autodérision, détournement, citations, ironie, critique, subversion dialoguent à travers des objets et des images prélevés de différents registres de lecture : le high & low se confondent. Il développe plusieurs problématiques autobiographiques en se concentrant sur les objets-souvenirs extraits de son enfance, son propre corps qu’il moule de manière fragmentée, les figures monstrueuses, la notion d’infirmité (ainsi que l’appareillage qui l’accompagne), et plus récemment sur les pages sombres de l’histoire de sa famille.
La série Headless est née d’une volonté de l’artiste d’entreprendre une archéologie familiale pour en décrypter les mécanismes idéologiques, ainsi que leurs inévitables incidences sur sa propre vie. Suite au décès d’une tante, il récupère une boite de négatifs, il les rassemble et les laisse de côté. Plus tard, il découvre un document daté de 1940 où il apprend que son grand-père a collaboré avec l’Allemagne nazie en vendant du vin aux soldats allemands installés en Bretagne. Un document à la fois terrifiant et déclencheur d’une recherche plus approfondie. Erwan Venn revient vers les négatifs photographiques, il les scrute avec attention, décode les indices (lieux, identités, évènements) et retrace ainsi le parcours de son grand-père. Ce dernier est éduqué selon les préceptes d’une morale pieuse, rigide et contre révolutionnaire. Jeune, il se tourne vers la religion en intégrant le petit séminaire. Un passage dont il subsiste quelques images en noir et blanc. Des photographies de groupes où les jeunes séminaristes posent stoïquement, bras croisés et derrière le dos, ou de manière plus candide, assis et allongés dans l’herbe. Des photographies qu’Erwan Venn modifie numériquement en prélevant les têtes de chacun des figurants. Sans tête, sans visage, ils perdent toute forme d’identité et d’individualité. Ils ne sont plus que des costumes, des corps flottants, fantomatiques. Sans têtes, ces hommes, alors considérés comme les « soldats de dieux », se résument à leur mission idéologique. L’artiste met en lumière les rapports étroits entre le clergé et le politique, mais aussi les rouages d’une propagande rampante.
Les photographies en noir et blanc accompagnent le développement de l’idéologie fasciste au sein de la vie d’une famille, d’un village et de ses habitants. Elles traduisent une période précise d’une histoire nationale chancelante en figurant les activités d’hommes et de femmes, d’enfants, de familles qui en 1940 ont soit fait le choix de la collaboration, soit celui de la résistance. En ce concentrant sur le parcours de son grand-père et en gommant les têtes de ses camarades, de ses proches et de ses relations, Erwan Venn décapite les acteurs d’un système qu’il exècre. Ses tableaux-photographiques fixent les ombres d’une gangrène et d’un trauma qui n’épargnent pas les générations suivantes. En examinant le contexte historique et politico-religieux dans lequel s’est formé non seulement son grand-père mais aussi toute une population nourrie d’idéologies extrêmes, l’artiste souhaite remettre à plat une histoire familiale tramée structurée par des non-dits et des mensonges qui se transmettent comme un héritage empoisonné. Une boite de pandore qu’il a ouvert, retouché et partagé publiquement pour comprendre et obtenir une libération, un apaisement. « Mon souci est de « Faire image ». C’est-à-dire de trouver ce petit sentiment d’extase que l’on éprouve quand nous retrouvons des souvenirs enfouis au sein de notre mémoire. » (E.V, 2008). Parallèlement, il pointe du doigt la prégnance de cette idéologie profondément ancrée dans les strates du contexte sociopolitique actuel. Une pensée moraliste basée sur une conception galvaudée de la nature humaine qui continue à dresser des barrières entre les individus en excluant toute forme de différence. En ce sens, l’artiste se démarque d’un héritage familial auquel il a refusé de se conformer et revendique son appartenance aux subcultures, aux marges. Dans cet espace alternatif, il questionne, détourne et bouscule les méandres d’une histoire à la fois personnelle et collective.
texte de julie crenn
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source: pablogt

As Defacing art project comes to an end, I wanted to clarify its bases.

Defacing art project was imagined with a simple idea, naturally, to change the perception of the past and to create a new future, which will in turn become our present. As impossible as it may seem, it was poetic and plausible to me.

‘Living in the past’ is a condition of many immigrants, and I wanted to change this aspect of their lives. It is this way with my family, my people and all those who are in this situation of emotional limbo. Defacing Art project allows for the public to contribute to the artwork by painting on it, a real visual therapy. Rebuilding or maculating an iconographic image of our past can potentially change it or the perception of it, and then build a different future from this new landmark. Defacing is a project that invites to experiment with icons in the present while being aware that this is relative to the past.
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source: pablogt

Defacing est né avec une simple idée, naturelle, de changer le passé pour avoir un autre futur, qui deviendra à son tour notre présent. Aussi impossible que cela puisse paraitre, cela me sembla poétique et faisable. Vivre dans le passé sans profiter du présent est une caractéristique de nombreux émigrants, et je voulais changer cet aspect de la condition de ma famille, de mon peuple et de tous ceux qui sont dans cette situation de limbe émotionnelle. Il me semblait normal quand j’ai commencé ce projet qu’en reconstruisant une image iconographique du passé, on puisse potentiellement changer le passé ou la perception de celui-ci et puis construire un autre avenir à partir de ce nouveau point de repère. Inviter les spectateurs à peindre avec la peinture sur mes dessins est un acte qui marque le présent pour redéfinir le futur. Defacing est un projet qui invite a expérimenter dans le présent, en étant conscient que le présent est bien relatif au passé.

Dans Stealing the Mona Lisa, Darian Leader expliqu’en 1911, lorsque la Mona Lisa a été volée, des milliers de personnes sont venues voir le mur vide, pour voir ce qui n’était plus là, ce que n’était plus possible de voir… Beaucoup ont fait de même au lendemain du 11 septembre 2001, avec des millions de visiteurs en tant que touriste de l’histoire pour prendre des photos du vide, pour garder un souvenir de ce qui n’était plus possible de voir … Nous voulons tous être dans le présent mais avec un lien vers le passé, et parfois plus attachés ou dépendants du passé.

L’exil choisi par rapport à l’exil nécessaire, la mémoire du lieu et la mémoire de la mémoire sont à la base de mon parcours ; au début j’étais un nomade que mon pays avez singulièrement craché et maintenant, cinq déplacements de longue durée plus tard, je suis un nomade culturel. Je profite de mon exil parisien pour focaliser et développer mon nouveau credo visuel dans le cadre d’une exposition à la Freedom Tower pour la communauté de Miami et pour les communautés du monde entier dans le futur. Mes nouvelles œuvres tissent des liens sociaux entre l’art et le spectateur et ne restent pas comme des objets d’art autonomes. Cette provocation qui semble au premier degré vous fera ressentir que le déplacement, dans le temps et l’espace, vaut l’exercice. Je vous propose de maculer mon oeuvre pour expérimenter l’art d’une façon psychique et physique en réagissant face au public qui vous regarde vous comporter comme un sauvage.

L’altermodernisme est défini par Nicolas Bourriaud, dans The Radicant. Il le décrit ainsi : “les vingt-cinq dernières années du XXe siècle furent un long épisode mélancolique. Les œuvres d’art se sont définies comme un après : après le mythe du progrès, l’utopie révolutionnaire, la défaite du colonialisme, les luttes d’émancipations politiques, sociales et sexuelles”. Il faut revenir au présent. Le terme altermodernisme suggère “une multitude d’alternatives à une voie unique. L’alterglobalisation définit la pluralité des oppositions locales à la standardisation économique, et donc la lutte pour la diversité”. Je me sens inscrit dans cette pensée. Mon parcours personnel a toujours été déconnecté du post-modernisme ; dans le monde globalisé d’aujourd’hui, j’ai l’intention de changer notre perception du présent avec l’expérimentation du Defacing. J’ai la volonté de changer notre perspective du futur avec une expérience artistique contemporaine.

Travailler le dessin aujourd’hui est une proposition d’intellectualisation et d’expérimentation brute. Le projet Defacing propose d’affronter des icônes de la mémoire collective et personnelle, de façon visuelle, mentale et physique. Il invite le spectateur à devenir acteur de l’œuvre elle-même. Ces icônes sont des portraits de personnes, de symboles ayant marqué l’histoire. Ces images ont une puissance symbolique créant un simulacre tel que le définit Jean Baudrillard comme étant cette « vérité qui cache le fait qu’il n’y en a aucune autre » et véhiculant autant de valeurs, d’histoire et de mémoires personnelles qu’un logo de marque commun à toute une nation. Une fois que la phase intellectuelle et de repérage visuel et historique est achevée, le spectateur est invité à laisser une marque sur l’idole déjà dessinée par l’artiste et à essayer d’effacer cette image. Dans ce projet, défacer est un acte non pas réprimé mais exigé. En défaçant, on construit une nouvelle œuvre d’art qui devient plus intéressante que le point de départ. En socialisant (little redbook & facebook) la création et la finalisation de la pièce d’art, on construit un nouveau chapitre dans le dicours de l’Esthétique relationnelle de Nicolas Bourriaud. Ce projet propose une anarchie rarement vue dans un Centre d’Art, laissant les spectateurs / acteurs expérimenter et considérer l’œuvre d’un point de vue physique et psychologique.

Evolution naturelle
Je réalise ce type de grands formats dessinés au charbon depuis 1997. Le concept de mon travail repose sur la réflexion suivante : si ce que nous sommes se base sur les expériences que nous avons vécues, et les souvenirs de ces expériences mutant avec le temps, alors nous ne sommes qu’une métaphore de nous-mêmes. A partir de ce fil conducteur, chaque dessin a été soigneusement choisi pour représenter le passé, mon passé personnel tout d’abord et puis l’histoire collective les années suivantes.

Ces dessins ont été effectués avec du charbon et du fusain non fixé sur toile et auront pour destin de continuer à tomber lentement en descendant sur la surface de la toile et à disparaître progressivement.

Ce processus de disparition par manque de fixatif a évolué vers une nouvelle forme de disparition. C’est aujourd’hui le spectateur qui collabore à la disparition ou à la transformation de l’esthétique, en appliquant une peinture acrylique blanche. Cette nouvelle façon de transformer l’œuvre devient une évolution naturelle de mon travail d’art. Le concept de la disparition de la mémoire et de l’identité en évolution, est toujours central dans ce projet, mais avec une étendue universelle axée sur les expériences, les souvenirs, et l’identité des autres.

La fonction critique de ce projet, l’acte de défiguration et de défacement de l’œuvre d’art, sont en soi une métaphore : nous ne pouvons pas vraiment effacer le dessin réalisé au fusain ni nier l’histoire et ses conséquences, et peu importe que la peinture soit appliquée sur le charbon, le dessin initial reprend toujours le dessus. L’œuvre initiale de l’artiste peut être effacée mais il reste toujours une image iconoclaste présente qui peut être considérée comme une nouvelle œuvre d’art, ouvrant une nouvelle perspective à l’art contemporain.

En effet, ce projet de défiguration de l’art ou de désobéissance civile permet aux visiteurs d’exorciser certaines frustrations de leur passé. L’acte d’oblitération oblige les visiteurs à réfléchir sur leurs souvenirs, examiner quel rapport ils ont à leurs mémoires, et permet aussi une certaine libération de tension. Ce projet a pour objectif la réflexion visuelle sur le concept de l’impermanence de l’être, de l’œuvre d’art, de la disparition de la mémoire personnelle et collective. C’est également un questionnement visuel, physique et psychique sur l’identité en évolution.

Epreuves de Famille
En décembre 2007, j’ai fait un test avec ma famille sur deux toiles. Ma famille est cubaine et a quitté légalement le régime castriste en 1984 après cinq ans d’épuisantes démarches.

Les portraits de Castro et de Guevara ont été difficiles à réaliser. J’ai dû m’arrêter plusieurs fois et me poser cette question : « Que fais-je? Quelle est cette résistance à continuer ce travail ? »

J’ai invité ma famille à mon atelier sans la prévenir de l’imminent choc visuel. Ils étaient réticents et en colère envers moi car j’avais généré les images de ceux qu’ils considèrent comme « les diables ». Cependant, ils ont accepté ma proposition de participer à la performance. J’ai chronométré cinq membres de ma famille pendant 50 secondes représentant les 50 ans de la révolution cubaine. Ils ont effacé le plus rapidement possible la surface de perturbation et ils se sont sentis mieux et m’ont dit pouvoir exorciser les fantômes du passé. Ils ont transformé l’échec que ces images représentent en une sorte de thérapie artistique, voire une performance de revendication.

J’ai utilisé ma famille cubaine à Miami, à titre d’essai, pour avoir une idée de comment vont réagir les participants à des images qui pourraient susciter des souvenirs d’échecs culturels. Ils m’ont permis également de constater qu’une personne sans éducation artistique peut donner du sens et finaliser mon travail d’art en le transformant en une nouvelle pièce d’art, et en lui donnant une nouvelle fonction critique.

Etapes de réalisation
Première étape – Production
Ce projet comporte deux phases. La première est la production de toiles de grande envergure sur châssis. Il s’agit de portraits réalisés au fusain sur toile. Ils représentent des hommes politiques du monde entier, du passé et du présent, qui ont changé la vie de millions de personnes. Je planifie de faire des portraits de George W. Bush, Condoleezza Rice, Dick Cheney, Donald H. Rumsfeld, John D. Ashcroft, Hugo Chávez, François Duvalier, Mao Zedong, Jean-Claude “Baby Doc” Duvalier, Fidel Castro, Adolf Hitler, Joseph Staline, Pol Pot, Kim Il – Sung, Kim Jong-il, Pervez Musharraf, Robert Mugabe, Benito Mussolini, entre autres.

Deuxième étape – Exposition et finition par les visiteurs
Suite à cette production de toiles, la seconde étape aura lieu sur place pendant l’exposition des dessins : les visiteurs seront invités à effacer les dessins, ils auront environ trente secondes pour défigurer l’œuvre d’art avec de la peinture acrylique blanche, en utilisant un pinceau fin. Ainsi, les participants vont métamorphoser et achever chaque œuvre que l’artiste a créée.

Résultats
Le projet Defacing présente une disposition osée, dans un espace d’art où le public est encouragé à interagir avec l’œuvre d’art d’une façon considérée comme négative et qui générera un résultat positif.
Il invite à une vraie interaction sociale entre la communauté artistique et le public. Il permet de s’interroger sur la valeur des œuvres d’art qui ne sont pas achevées ou entièrement réalisées par l’artiste, les rôles de l’art et de l’artiste, et celui des spectateurs devenus participants. À mon sens, les œuvres d’art dans leur état oblitéré sont plus significatives et attrayantes qu’à l’origine. L’interaction entre les icones des hommes politiques et le public est également une source de réflexion sur l’homme et son rapport à l’histoire contemporaine.

Futur
Le projet Defacing utilise les images des dictateurs et présidents du monde pour créer des icônes, reflets des différents groupes qui sont représentés dans les communautés d’une ville.
J’envisage de rendre ce concept itinérant dans des lieux tels que Miami, New York, Los Angeles, Paris, Barcelone, Kaboul, Jérusalem et Bagdad. Je pense que ce projet peut être utilisé pour souligner le rôle de l’art comme une arme puissante pour aider à comprendre les cultures et les communautés à travers le monde.