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JULIE LEGRAND

JULIE LEGRAND 3

source: boumbang
Au centre des luttes, des désirs souterrains, des pulsions de vie d’un corps. Se trouver au sein d’un volcan. S’introduire dans l’univers de Julie Legrand, dans lequel les oppositions ne se contrarient pas, mais correspondent à une recherche permanente de nouvelles complémentarités entre matières, structures, agencements et couleurs, comme la naissance de nouveaux possibles.

Puissante et organique, son oeuvre bataille pour exister: la confrontation entre le dur et le fragile, le compact et l’aérien, l’organique et le minéral est pour l’artiste son outil même. Julie Legrand vient tisser le verre, donner un souffle aux pneus et aux pierres, emmêler la finesse des fils jusqu’à accoucher d’une masse, véritable chape de plomb.

Son territoire d’exploration, « les géographies émotives », donnent naissance à des sculptures vivantes, d’où l’on peut sentir battre les pulsations. Du brutal, de l’animal, se dégagent de certaines de ses oeuvres, une force bondissante prise dans une action qui vient pénétrer la peau de celui qui s’approche. D’autres, moins frontales mais tout aussi présentes, issues d’un univers minéral, prolifèrent, surgissent ici et là du sol, d’un mur, d’on ne sait où. Boursouflures inquiétantes de notre monde, où le hors-champs est mystère. Des bulles de verre éclosent, des formes insolites évoluent, brouillant les matériaux et leur fonctionnalité, et semblent s’échapper et glisser de part et d’autre de l’espace.

Solaire, « In vitraux » est une exposition ronde et maternelle, pour laquelle l’artiste devient alchimiste et transforme – les filant, les tissant, les juxtaposant – pierres, verres et matières plus « triviales » comme pneu et plastique, en éléments merveilleux et précieux. In vitro, de simples roues deviennent et se donnent comme des ovules pénétrés, mais apparaissent dans un même mouvement comme des planètes inconnues, d’où semblent fourmiller de petits êtres étranges. Les oeuvres de Julie Legrand naissent d’une déchirure, d’un coeur brûlé, qui continue à se consumer, d’un sexe féminin rougi et bouillant, d’une peur et d’une rage animales… d’un corps qui souffre et qui désire, qui fait de sa fragilité une force, à l’image de l’oeuvre de l’artiste.

Les oeuvres rampent et se dressent, prises dans un système d’interpénétration dynamique. Julie Legrand nous fait part d’un monde sous-terrain et contingent, en pointant ses ouvertures: elle fait de ses oeuvres les points d’accès d’un univers caché et pressenti. Les verres filés, qui tantôt s’échappent, tantôt écartèlent les structures – à moins qu’ils ne les relient – viennent solliciter nos sens et stimuler notre imagination, et nous lient viscéralement à ce grand corps qu’est l’oeuvre.

« Et quand je l’ai arraché, c’est toute la vie qui est venue avec. »

L’artiste utilise le trou comme un outil et matériau pour y plonger de tout corps. Dans le travail des éponges, le trou fait lien entre l’organique et le minéral afin de générer un espace hybride, un Entre-ça, récurrent dans le travail de l’artiste. Le trou s’épanouit dans les sculptures de verre, et leur confère force et ampleur: il vient dans chacune des oeuvres révéler une forme, une charge complexe, située entre étrangeté et intimité…

Tel un oubli, il est aussi un vide positif où tout est recommencement. Symbole de la source, le « d’où ça provient », le point de jaillissement. Dans le ventre de la Terre, ou dans celui d’une mère, l’entr-ailleurs de Julie Legrand.