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MASAKI FUJIHATA

beyond pages

MASAKI FUJIHATA

source: researchgatenet
A virtual “book,” enabled by data projection and a light pen, which conjures simulations of its content.

“The data projector loads images of a leather bound tome onto a tablet which a light pen activates, animating the objects named in it – stone, apple, door, light, writing. The soundscore immaculately emulates the motion of each against paper, save for the syllabic glyphs of Japanese script, for which a voice pronounces the selected syllable. Stone and apple roll and drag across the page, light illuminates a paper-shaded desklamp; door opens a video door in front of where you read, a naked infant romping, lifesize and laughing, in.

“In the middle pages, kanji letters scroll breakneck under the nib of your pen. Lifting it selects a word. We ask the Japanese of our random selection, ‘Does it mean anything?’ and they say, ‘Well, it says something, but it doesn’t mean anything’. And it says, oh, I don’t know: fish, walk, watch, and the ideographs sit in disarray where they tumble on the page. Something of the accident of language, its random illumination of the world, shines up from the page. An illuminating illuminated manuscript (like Simon Biggs’ 1991 alchemical book) opens and leafs through with a gesture, more direct than metaphor, more subtle than allegory, of the digital text, book as light source.” (from Beyond Pages.)
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source: hypermediauniv-paris8fr
Vous pénétrez dans un petit local fermé. Devant vous se trouve une table réelle sur laquelle se trouve projetée l’image d’un livre. Dans le fond de la pièce est projetée l’image d’une porte fermée. Vous vous asseyez à la table et vous saisissez une sorte de crayon électronique. Au moyen de ce crayon, vous “touchez” l’image du livre. À l’image du livre fermé se substitue alors l’image d’un livre ouvert. Tout se passe comme si vous aviez “ouvert” le livre. Entendons-nous bien: il ne s’agit pas d’un véritable livre de papier que vous auriez ouvert mais d’une succession de deux images commandée par un dispositif interactif. Le livre de Beyond pages de Mazaki Fujihata n’est pas une image fixe classique, ce n’est pas non plus une image animée qui se déroule imperturbablement, c’est un objet étrange, mi-signe (c’est une image), mi-chose (vous pouvez agir dessus, la transformer, l’explorer dans certaines limites). Nous sommes habitués à l’interactivité avec les écrans grâce aux jeux vidéo, à Internet et aux CD-Rom, mais ici l’image interactive du livre se trouve sur une table de bois et non sur un écran cathodique. En ouvrant ce livre étrange, vous trouvez écrit sur la page de droite le mot “pomme” en anglais dans l’alphabet romain et en japonais avec les caractères kanji. Jusque-là, rien d’anormal: des signes d’écriture sur une page. Mais sur la page de gauche figure l’image d’une belle pomme rouge en trompe l’oeil, une pomme dont l’ombre se découpe nettement sur la page immaculée. Un peu comme si la page de droite nous présentait des signes et la page de gauche une chose. La sensation que la pomme est véritablement posée sur la page et non une image est renforcée par ce que vous découvrez progressivement en “feuilletant le livre”: la pomme est entamée à la page suivante, progressivement consommée au fur et à mesure que vous poursuivez votre “lecture”, jusqu’à ce que vous arriviez à ne plus trouver, entre les pages, qu’un trognon. Chaque fois que vous tournez la page, vous entendez distinctement le son d’une mâchoire qui se referme sur un morceau de pomme et la croque. Ainsi, le trompe-l’oeil se double d’un “trompe-l’oreille”. Pourtant, à aucun moment, vous n’êtes dupe de l’illusion. Vous savez toujours qu’il ne s’agit que d’une image et d’un son enregistré. Il vous est impossible de manger la pomme. Manger la pomme apparaît comme une métaphore de “lire un livre”. Quelque chose a été consommé, une irréversibilité s’est produite, quoique rien n’ait changé: les pages sont toujours là, les signes aussi. Contrairement aux pommes , la consommation ou la jouissance que nous pouvons avoir des signes ne les détruisent pas.
Cette oscillation entre signe et chose, signe qui bruisse, agit, interagit et semble s’épuiser comme une chose, chose impalpable et indestructible comme un signe, cette oscillation se poursuit jusqu’à ce que vous ayez fini de “lire le livre”. Les cailloux que vous déplacez avec votre crayon crissent sur l’image du papier. Actionner l’image d’une poignée sur la page déclenche l’ouverture de la porte sur le mur du fond et le surgissement d’une adorable petite fille, nue et rieuse, que vous ferez revenir plus d’une fois.
Contrairement aux feuilles desséchées des herbiers, le rameau de feuilles vertes qui frémit entre les pages de Beyond pages est encore agité par le vent et gonflé de sève. La fleur ou la feuille séchée des herbiers se trouve là, morte, mais bien réelle, entre les pages. Or Beyond pages nous emmène vers un au-delà de la page où les images “vivantes” de choses vivantes semblent surgir d’images de pages.
À la fin du livre, les signes effleurés se mettent à parler. Vos gribouillis esquissés se transforment miraculeusement en écriture japonaise parfaitement calligraphiée et clairement prononcée par le “livre”. Ainsi, ce livre “parle”. Il dispose d’une voix qui lui permet de se lire lui-même, et vous êtes invité à contribuer à son écriture.
Un des ressorts de Beyond pages est l’anneau de Moebius, passage continu et insensible d’un ordre de réalité à l’autre: du signe à la chose, puis de la chose au signe, de l’image au caractère, puis du caractère à l’image, de la lecture à l’écriture, puis de l’écriture à la lecture. Image d’un livre (et donc doublement signe) entre les pages duquel se trouvent des choses… qui ne sont finalement que des signes, mais des signes actifs, vivants, qui vous répondent. Non pas illusion de réalité, comme on décrit trop souvent le virtuel, puisque vous savez toujours qu’il s’agit d’un jeu, d’un artifice, mais vérité ludique ou émotionnelle d’une illusion goûtée comme telle.