Raphael Boccanfuso
source: paris-art
On est accueilli par une immense affiche en 3D, du genre de celles que proposent les agences immobilières pour promouvoir leurs projets de lotissements coquets en déclinant les stéréotypes : soleil, familles détendues, jardinets, etc. L’affiche s’intitule d’ailleurs Illustration non contractuelle à caractère d’ambiance, formule toute faite à l’usage des promoteurs.
Face à cette affiche, une mise en abyme de l’affiche dans une autre image présentée sur un panneau, juste au pied d’un «algeco» faisant office de bureau d’accueil pour le lotissement.
Il s’agit de la Ferme du Coulevrain, à Sénart, qui a commandé en 2003 une exposition à l’artiste. Plutôt que d’exposer ses oeuvres, il a choisi d’exposer la ferme elle-même en la mettant en scène dans le cadre d’un inauthentique projet immobilier.
Une toile intitulée Parce que ça les vaut bien mêle Mondrian et L’Oréal, tandis qu’une enveloppe timbrée comporte, écrite à la main, le nom et la (vraie-fausse) adresse de l’artiste lui-même. Le timbre, créé à l’occasion, est une reproduction de Sean Scully…
L’exposition est traversée par une série intitulée Savoir disposer ses couleurs dans laquelle Raphaël Boccanfuso détourne les uns après les autres les vecteurs commerciaux de transmission de l’art : cartes postales, affiches, timbres, livres ou documentaires vidéo. Sa cible ? Les grands peintres abstraits tels Mondrian, Malevitch ou Ellsworth Kelly.
Il découpe leurs oeuvres pour les reconstruire et proposer au public de nouveaux supports subtilement travestis. On trouvera donc des cartes postales, des affiches, des pages de livres d’art. Fausses, mais marquées du sceau de l’artiste: une estampille RB…
La série Land Art se compose de photographies représentant des cadres de vie ou environnements divers. Un simple chemin de terre, par exemple, dont l’austérité est bouleversée par une énorme boule de terre, surgie de nulle part, sculptée en forme de bonhomme.
Ou ce petit pavillon d’une affligeante banalité, mais sur le tapis d’entrée duquel, en regardant de plus près, on peut lire «Fuck»…
Dans cette exposition foisonnante chaque image secoue notre regard et pose de nouvelles questions. Elle nous invite à dépasser l’évidence des codes de notre quotidien. Un exercice difficile qui passe par une esthétique du travestissement. Voire du trompe-l’œil, sacrément revisité…